Contexte

Les inégalités sociales et spatiales sont revenues au centre du débat politique dans les pays du Nord global. Ces divisions ont généré un mécontentement économique et social et un soutien politique croissant aux partis populistes et nationalistes dans les territoires périphériques, en particulier les anciennes régions industrielles. Cette agitation a alimenté le vote du Brexit au Royaume-Uni et l'élection de Donald Trump aux États-Unis, ainsi que le soutien au Rassemblement national en France et à l'Alternative für Deutschland en Allemagne. En réponse, certains observateurs et décideurs ont exprimé leurs inquiétudes quant aux territoires « laissés pour compte » par la mondialisation, l'innovation technologique et le changement social. Bien qu'elle permette d’accroître la visibilité politique des inégalités sociales et spatiales, la catégorie des territoires « laissés pour compte » pose problème. Elle contribue notamment à masquer la diversité des situations des territoires en difficulté, ainsi que l’hétérogénéité des groupes qui les habitent.

Ce projet se concentre sur les régions périphériques caractérisées par de nombreuses difficultés: déficit d’attractivité, déconnexion des réseaux de transports et d’échanges, dépendance vis-à-vis des grandes villes et la marginalisation et stigmatisation dans les discours médiatiques. Ces processus de « périphérisation » opèrent à différentes échelles, affectant les régions, les départements, les villes, les quartiers et les individus. Plutôt que de s’intéresser aux territoires ruraux enclavés, la recherche porte sur les « périphéries intérieures », c’est-à-dire des régions urbaines ou des zones intermédiaires qui se situent à proximité de villes connaissant une stagnation ou un déclin démographique et socio-économique.

La plupart des travaux de géographie économique et d’économie urbaine mettent l'accent sur les avantages des agglomérations urbaines et le caractère quasi-mécanique des migrations des régions périphériques vers les régions plus dynamiques. Le mécontentement économique et le populisme récents ont toutefois révélé que cette approche surestime la capacité et la volonté des individus à se déplacer entre les régions défavorisées et les régions prospères. Peu de travaux ont ainsi abordé la question des « partants » et des « restants » de manière articulée.

La question de savoir quelles sont les transformations économiques et sociales des régions périphériques représente une autre lacune de la littérature existante. On sait peu de choses sur l'emploi et les pratiques de subsistance des habitants, ainsi que sur le rôle des transferts sociaux redistributifs et de l'accès aux services publics. Les recherches se sont largement concentrées sur les évolutions démographiques et économiques et sur les stratégies politiques et économiques locales. A l’inverse, une moindre attention a été accordée à l'action des habitants qui font face à ces contextes de « périphérisation ».

S’appuyant sur les travaux d’économie urbaine, les décideurs politiques ont souvent considéré les grandes villes comme les principaux moteurs de la productivité et de la croissance, en partant du principe que la prospérité s'étendrait aux régions environnantes. Pourtant, les limites de cette pensée et du « city-centrism » qui lui est associé sont de plus en plus évidentes. Les stratégie de soutien aux villes « superstars » qui concentrent la création et l'attraction des ressources économiques, ont accentué les inégalités spatiales et le mécontentement social. Dans ce contexte, de nouvelles stratégies politiques pour les régions périphériques sont nécessaires.