Contexte
La Cerebral Palsy (CP) est la cause la plus fréquente de
déficience physique chez l'enfant. Elle est souvent associée à des déficiences
intellectuelles et sensorielles. Sa fréquence est de 2 pour 1000 naissances,
soit 10 000 nouveaux cas chaque année dans l’Union Européenne. Les enfants
atteints de CP présentent un désavantage important en ce qui concerne les
relations sociales, l'éducation et les perspectives d'emploi ; cela bien qu’il
existe des infrastructures et des systèmes dans chaque pays européen pour
répondre aux besoins des enfants et de leurs familles.
De tels aménagements sont appelés facteurs
environnementaux dans la Classification Internationale du Fonctionnement, du
Handicap et de la Santé ICIDH-2 (Organisation Mondiale de la Santé, 2001) et
sont définis comme l’environnement physique, social et attitudinal dans lequel
les personnes vivent et mènent leurs vies. Des exemples de facteurs
environnementaux pertinents sont les aménagements pour l’éducation – écoles
spécialisées ou traditionnelles, le comportement et les normes sociales, la
législation pour l’accès dans les bâtiments, la législation contre la
discrimination, les moyens de transport, les services de soins et de rééducation
et l’assistance technologique.
Au sein même de
chaque région ou pays, de tels facteurs environnementaux sont relativement
identiques. En revanche, ils varient considérablement entre les pays. Une
enquête préliminaire a confirmé l’existence de grandes disparités de facteurs
environnementaux parmi les pays participant à l’étude. Par exemple, un tiers des
centres participants ne dispose pas de lois permettant l’accès aux trains en
fauteuil roulant ; un tiers n’a pas d’accès au cinéma mais il s’agit de centres
différents. Il existe également une grande variabilité dans les allocations
financières et dans la disponibilité des services spécialisés. Cependant, une
description et une évaluation systématiques des facteurs environnementaux pour
les différents pays n’a jamais été conduite. De plus,
on ne sait pas actuellement lesquels sont réellement opérants dans la
mesure où ils ont été rarement évalués sur des critères de jugement bien
définis.
Ce projet
bénéficie de la collaboration, financée par l’Union Européenne, de 14 registres
de cerebral palsy en Europe (CP). Chaque registre couvre l’ensemble des enfants
d’une aire géographique définie. L’identification et la description des cas (y
compris la sévérité de l’atteinte) ont été standardisés. Les chercheurs
impliqués dans cette collaboration ont montré que les enfants présentant un même
niveau de sévérité du handicap progressaient de manière très différente. Ceci
pourrait être en relation avec certains facteurs environnementaux tels que les
dispositifs d’éducation et d’autres facteurs de ce type non systématiquement
étudiés ou enregistrés. La
participation et la qualité de vie correspondent à deux modalités de jugement
des différents modèles de dispositifs disponibles pour les enfants déficients.
Le premier
(la participation) concerne ce que l’enfant fait et le second (la qualité de
vie) explore ce qu’il ressent. La participation est une mesure objective de
l’état de santé, alors que la qualité de vie est une mesure subjective de ce
même état de santé.
Bien que le concept de participation ait été clairement formulé depuis une
vingtaine d’années, seules quelques tentatives ont permis de le rendre
opérationnel, en particulier chez l’enfant. Cela est dû en partie au fait que
l’ICIDH, trop médicalisé, ne prenait pas suffisamment en compte la construction
sociale de la déficience (Shakespeare 1992). Cependant, dans la dernière
version de l’ICIDH-2, ce cadre théorique est largement complété par
l’introduction formelle des facteurs contextuels. La dernière version de
l’ICIDH-2 explore la participation de la manière suivante : apprentissage et
application des connaissances, tâches générales et attentes, communication,
mobilité, soins personnels, activités domestiques, relations avec autrui et
interactions, principaux domaines de vie, vie sociale, communautaire et civique.
Les travaux de
recherche antérieurs se sont basés sur la perception qu’ont les parents de la
qualité de vie de leur enfant. Or, il est maintenant admis que l’opinion
des enfants ne doit pas être déduite de celle de leur entourage mais recherchée
directement auprès d’eux mêmes. La mesure de la qualité de vie chez
l’enfant a aussi été retardée en raison des difficultés d’ordre pratique et
conceptuel, comme par exemple la fiabilité des réponses des enfants, la qualité
des comptes rendus de ceux qui ont répondu par procuration et les différentes
valeurs que les enfants accordent à des états de santé particuliers en
comparaison avec les adultes (Jenney, Kane et al. 1995; Jenney and Campbell
1997). Chez les enfants porteurs de maladies chroniques, le travail a été
d’abord orienté sur le développement des mesures spécifiques à des pathologies
particulières comme le cancer (Eiser, Haverman et al. 1995) ou l’asthme
(Christie, French et al. 1993) dans le but de contribuer à l’évaluation des
prises en charge médicales. A présent, il est important de mesurer la qualité de
vie chez les enfants porteurs de déficiences relativement stables et dont l’état
de santé et la qualité de vie semblent davantage influencés par des facteurs
sociaux et environnementaux, que par des prises en charge d’ordre médical. De
nombreuses études qualitatives ont directement étudié le vécu des familles et
des enfants et ont rapporté d’importants éléments dans la vie et le « regard »
de tels enfants (Quine and Pahl 1989; Watson 1999). Cependant, de plus larges
populations d’enfants déficients doivent maintenant être étudiées afin de
mesurer la variabilité de la participation et de la qualité de vie chez les
enfants ayant un niveau comparable de sévérité de leurs atteintes et de comparer
ces résultats avec ceux d’enfants indemnes.
Cette étude va
bénéficier de la collaboration des registres de cerebral palsy. Ainsi, les
relations identifiées entre les facteurs environnementaux et la participation et
la qualité de vie pourront être comparées entre les différents pays
participants. Cela a un sens d’un point de vue épidémiologique dans la mesure où
les registres couvrent une zone géographique déterminée et possèdent un nombre
de cas suffisant pour aboutir à des conclusions statistiquement valides.
Objectif
L’étude a pour
objectif d’identifier les facteurs environnementaux qui présentent les meilleurs
bénéfices pour les enfants atteints de déficiences et leurs familles. Cette
connaissance permettra
d’orienter la politique
européenne dans les secteurs de la santé, de l’éducation et du social et
de générer des protocoles pour optimiser la participation et la qualité de vie
de ces enfants.
L’hypothèse
principale est que des enfants ayant un même degré de sévérité de déficience
vont présenter des niveaux variables de participation et de qualité de vie dans
les différents pays, en raison principalement de variations dans les facteurs
environnementaux.
Les objectifs de l’étude sont :
a)
de connaître les facteurs environnementaux optimaux des enfants atteints d’un
handicap, afin d’orienter la politique européenne dans les secteurs de la santé,
de l’éducation et du social ;
b)
de préciser les protocoles de prise en charge afin d’optimiser la participation
et la qualité de vie ;
c)
d’intéresser les enfants et leurs familles à une éventuelle étude ultérieure
dans laquelle serait testée l’hypothèse qu’une prise en charge optimale des
facteurs environnementaux peut avoir un impact à long terme sur la santé, la
participation, la qualité de vie, le rôle et la fonction sur le marché du
travail à l’âge adulte.
Echantillon
Des enfants âges de 8 à 12 ans seront
inclus dans l’étude à partir des registres de cerebral palsy de 8 centres en
Europe : Danemark, France (2 centres), Irlande (2 centres), Italie, Suède et
Royaume Uni. Les inclusions seront stratifiées sur le degré de sévérité de
l’atteinte.
L’étude enregistrera également des
données sur des enfants non déficients dans chaque pays dans l’objectif de :
a)
déterminer
si
la participation des enfants déficients diffère de celles des enfants ne
présentant aucun handicap et s’il existe des différences entre les pays
b)
déterminer si la qualité de vie diffère entre les enfants déficients et ceux ne
présentant pas de handicap.
Instruments
Les
aspects suivants seront investigués :
a)
Facteurs
personnels
L’étude mesurera les facteurs personnels qui pourraient être des facteurs de
confusion tels que le stress des parents, les moyens mis en œuvre pour faire
face à la situation, et les caractéristiques personnelles de l’enfant.
b)
Facteurs
environnementaux
L’étude mesurera les facteurs environnementaux pertinents
pour la majorité des enfants porteurs de cerebral palsy. Ils seront utilisés
dans l’analyse comme des variables explicatives indépendantes.
L’étude décriera et quantifiera les
facteurs environnementaux à trois niveaux : (i) à un niveau national : par
exemple la législation contre la discrimination ; (ii) à un niveau local : la
disponibilité des soins; et (iii) au niveau de l’expérience des familles comme
par exemple un accès facile au cinéma ou des aménagements pour le sport.
(i)
Une
revue de la littérature sera conduite entre juin 2003 et juin 2004 par un
chercheur en sciences sociales engagé dans le projet à Edimbourg. Il examinera
les facteurs environnementaux à un niveau macro national en analysant la
littérature scientifique, les publications de l’Union Européenne, les rapports
internationaux et les publications des gouvernements européens. Il apportera une
information actualisée sur la manière dont les facteurs environnementaux varient
entre les pays européens, en se focalisant principalement sur les pays concernés
par le projet.
(ii)
Nous ne savons de manière certaine actuellement s’il sera possible d’obtenir des
mesures objectives sur les dispositions favorables en matière de handicap dans
l’environnement au niveau local. Ceci sera plus précisément connu quand la revue
de la littérature au niveau macro national sera effectuée et quand le travail
des « focus groupes » sera terminé (cf. ci-dessous). Cependant, nous nous sommes
informés sur les instruments qui mesurent l’environnement scolaire,
l’environnement familial et les moyens de transport.
(iii) Après
une revue de la littérature et une étude pilote conduite en avril 2003, des
« focus groupes » impliquant des parents ont été constitués dans chaque pays
pour discuter des facteurs environnementaux pertinents pour le handicap des
enfants. A partir de ces informations, un instrument sera élaboré pour
enregistrer les expériences des familles sur les facteurs environnementaux
importants. Cet instrument sera ensuite administré pendant les visites aux
familles.
L’information issue des sources
précisées ci-dessus seront utilisées pour développer une classification et une
quantification des facteurs environnementaux pertinents qui entreront dans les
modèles d’analyses statistiques.
c) Qualité de
vie
Nous utiliserons un instrument
générique. De cette manière, la qualité de vie sera mesurée dans le même
contexte et avec le même instrument pour tous les enfants. L’étude n’a pas pour
objectif de développer un nouvel instrument pour mesurer la qualité de vie ; il
existe maintenant un certain nombre d’instruments génériques de mesure de la
qualité de vie bien validés. Une étude pilote permettra de tester lequel est le
plus approprié pour l’étude. Il est possible que nous rencontrions des
difficultés dans la passation des instruments choisis chez les enfants
déficients ; en coopération avec les personnes qui ont développé ces
instruments, nous analyserons les possibilités de les modifier si nécessaire.
Les enfants présentant une déficience
intellectuelle sévère ne peuvent pas rapporter par eux mêmes leur qualité de
vie. Des mesures par procuration seront développées à l’attention des parents.
Cela ne devrait pas poser de problèmes pour la mesure de la participation. En
revanche, il y a un débat pour savoir si une mesure par procuration est
appropriée pour connaître la qualité de vie de ces enfants.
d)
Participation
L’étude utilisera l’instrument intitulé LIFE-H développé dans le programme
ICIDH-2 et qui a déjà été utilisé chez des enfants atteints de cerebral palsy
(Lepage and al 1998). Le LIFE-H a été validé en 2002 sur une population
d’enfants âgés de 8 à 12 ans par une équipe de chercheurs du Québec.
e) Déficience de l’enfant
Un instrument de description de la
sévérité de l’atteint est nécessaire ; il doit combiner les éléments de la
classification actuellement utilisée dans la collaboration des registres de
cerebral palsy et le Gross Motor Classification System (Palisano, Rosenbaum et
al. 1995).
Diffusion
et information
Une information au
niveau local sera faite dans chaque pays à l’attention des parents, enfants,
associations, départements de santé et services sociaux (2ème année
du projet). Une diffusion des résultats au niveau central sera présentée aux
différents comités de l’Union Européenne, dans des conférences internationales,
des journaux, etc… Les articles seront rédigés en anglais et également dans les
autres langues.
Ce que nous souhaitons obtenir
Nous allons
mesurer la participation et la qualité de vie de 1200 enfants atteints de
cerebral palsy dans différents pays européens.
Nous allons décrire et quantifier les facteurs environnementaux importants pour
les enfants atteints de cerebral palsy à travers l’Europe
Nous
allons développer un modèle statistique pour étudier l’influence de ces facteurs
environnementaux sur la participation et la qualité de vie
Nous
ferons des recommandations sur l’environnement optimal ; ceci devrait influencer
le développement de la politique sociale par la Commission Européenne.
Références
Christie, M. J., D. French,
et al. (1993). "Development of a child centred questionnaire for living with
asthma."
Psychosomatic Medicine
55: 541-548.
Eiser, C., T. Haverman, et al.
(1995). "Development of a
measure to assess the perceived illness experience after treatment for cancer."
Archives of Disease in Childhood 72: 302-307.
Jenney, M. and S. Campbell
(1997). "Measuring quality of life." Archives of Disease in Childhood
77(4): 347-50.
Jenney, M., R. Kane, et al.
(1995). "Developing a measure of health outcomes in survivors of childhood
cancer: A review of the issues." Medical and Pediatric Oncology 24:
145-53.
Lepage, C. and e. al (1998).
"Profile of handicap situations in children with cerebral palsy."
Scandinavian Journal of Rehabilitation Medicine 30: 263-272.
Palisano, R., P. Rosenbaum, et al.
(1995). "Gross Motor
Classifications System." Neurodevelopmental Clinical Research Unit, McMaster
University, Canada.
Quine, L. and J. Pahl
(1989). "Stress and coping in families caring for a child with severe mental
handicap: a longitudinal study." Institute of Social and Applied Psychology
and Centre for Health Services, University of Kent, Canterbury.
Shakespeare, T. (1992). "Theorising disability: moving beyond the social model."
Social Policy Research Unit, University of York, York.
Watson, N. (1999). "Life as
a disabled child: A qualitative study of young people's experience and
perspectives." Department of Nursing Studies, University of Edinburgh,
Edinburgh.
World Health Organisation.
"International classification of functioning, disability and health".
www3.who.int/icf/icftemplate.cfm
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